Mise en garde – Audit des revenus de paiements de transfert

Des lacunes importantes ont été constatées lors de la dernière inspection annuelle dans l’application des procédures d’audit concernant les paiements de transfert.
Les principales déficiences concernent :
- L’acquisition d’une compréhension suffisante de l’entité et l’évaluation des risques;
- Les procédures d’audit réalisées (et documentées) sur les ententes;
- Les procédures liées à l’exhaustivité.
Ces déficiences ont permis de déceler des anomalies significatives sur le plan de la comptabilisation des revenus de paiements de transfert dans les états financiers de plusieurs dossiers inspectés.
1. compréhension de l'entité et évaluation des risques
Le chapitre SP 3410 – Paiements de transfert du Manuel de comptabilité de CPA Canada pour le secteur public (Manuel du secteur public) est un chapitre complexe qui requiert l’application du jugement professionnel. Les postes affectés par ce chapitre comportent donc généralement un risque élevé d’anomalies significatives.
L’auditeur devrait d’abord acquérir une compréhension de l’analyse des ententes liées aux paiements de transfert qui est faite par l’entité, notamment en ce qui a trait aux trois éléments suivants :
- autorisation;
- critères d’admissibilité;
- stipulations.
Si les processus de l’entité sont insuffisants pour s’assurer d’une comptabilisation adéquate des revenus de paiements de transfert, la stratégie d’audit devrait être adaptée en conséquence. L’auditeur devrait aussi déterminer s’il doit soulever cette lacune dans les communications aux responsables de la gouvernance.
2. procédures d'audit sur les ententes
Les inspections ont relevé des déficiences généralisées concernant les éléments probants obtenus pour valider que l’autorisation, les critères d’admissibilité et les stipulations ont été adéquatement identifiés et traités par l’entité.
- Autorisation
- Critères d’admissibilité
- Stipulations
Pour chacun des paiements de transfert inclus dans l’échantillon qui est audité, l’auditeur devrait considérer retracer le protocole d’entente (ou un autre document qui indique les conditions afférentes à la subvention). Il est pertinent que l’analyse de celui-ci soit clairement documentée, en reprenant chacun des concepts clés du chapitre.
- Retracer les encaissements n’est généralement pas une procédure suffisante pour auditer les revenus de paiements de transfert.
- L’analyse réalisée par l’auditeur des modalités des transferts audités devrait être incluse dans le dossier.
Une bonne pratique consiste à inclure les protocoles d’entente retracés dans le dossier pour supporter l’analyse du traitement comptable des transferts. Si l’auditeur décide de ne pas les y inclure, il est important d’ajouter à l’analyse des informations supplémentaires sur les modalités qu’il a relevées dans le protocole. Ces informations devraient être suffisantes pour permettre de conclure quant à l’analyse de l’autorisation et à la présence de critères d’admissibilité et de stipulations, s’il y a lieu.
Détails sur les 3 concepts clés
En général, la signature d’un protocole d’entente par les deux parties est un bon élément probant relativement à l’autorisation d’un paiement de transfert. Cependant, il est possible que l’autorisation ait eu lieu avant la signature du protocole d’entente et il existe des transferts qui sont accordés sans que des protocoles soient signés.
Si l’entité connaît le montant qu’elle recevra et les modalités principales liées à son obtention, il est pertinent de se questionner sur l’autorisation, et ce, même si le protocole n’a pas encore été signé. En effet, cela peut être une indication que le gouvernement cédant a perdu son pouvoir discrétionnaire d’éviter d’effectuer le transfert. Si la signature du protocole ne représente pas le moment où l’autorisation a eu lieu, tous les éléments probants pertinents à l’identification de ce moment, notamment les communications écrites entre le cédant et le bénéficiaire, devraient être inclus dans l’analyse. Il est à noter que le Manuel du secteur public n’exige pas la comptabilisation symétrique entre le cédant et le bénéficiaire.
Éléments à considérer si le transfert ne fait pas l’objet d’un protocole d’entente ou qu’il n’est pas encore signé :
Est-ce qu’un de ces éléments démontre la perte du pouvoir discrétionnaire du cédant?
- Des communications écrites entre le cédant et le bénéficiaire (dont celle précisant les montants qui seront versés)
- Des actions et des communications officielles réalisées par le cédant
- L’adoption de dispositions légales ou réglementaires relativement au transfert
- La possibilité pour le bénéficiaire de demander un versement (le contrôle étant entre les mains du bénéficiaire)
Si une subvention est assujettie à des critères d’admissibilité, l’auditeur devrait évaluer si la détermination par l’entité du moment auquel ils ont été atteints est adéquate. Par exemple, dans la situation où le critère d’admissibilité est la réalisation de charges, il est important que l’entité ait fait l’appariement avec les charges réalisées et que l’auditeur effectue des procédures à cet égard. De plus, l’auditeur devrait considérer tester un attribut supplémentaire lors des tests réalisés, soit l’admissibilité des charges à la subvention.
Lorsque le transfert comporte des stipulations, l’entité doit évaluer si celles-ci donnent lieu à un passif (report du revenu). L’auditeur devrait valider les positions prises par l’entité à cet égard de même que prendre connaissance des publications et interprétations du normalisateur (CCSP) pour évaluer si des montants appropriés sont comptabilisés dans les passifs.
- Charges à réaliser après avoir reçu le transfert
- Clause de maintien ou de conservation des immobilisations acquises pour une période donnée
- Description de la stipulation
- Est-ce que la stipulation donne lieu à un passif?
- Si la stipulation elle-même est trop large pour donner lieu à un passif, est-ce que des actions et communications faites par l’entité viennent créer un passif en combinaison avec la stipulation?
- L’impact des conclusions de son analyse sur les états financiers
Exemple de stipulation large :
Une subvention a été versée dans le but de financer un investissement dans des infrastructures « verte ». Le bénéficiaire peut utiliser les fonds pour réaliser n’importe quelle infrastructure verte.
Le transfert comporte une stipulation, car le cédant a imposé une modalité, soit la réalisation d’un investissement dans une infrastructure verte. L’entité ne pourrait pas utiliser les fonds pour une fin qui ne répond pas à cette définition.
Cette stipulation est toutefois large, car elle laisse une latitude au bénéficiaire concernant la façon dont il pourra utiliser ces fonds et il pourrait juger que cela ne donne pas en soi lieu à un passif.
C’est dans ce type de situations qu’il faut aussi évaluer les actions et communications faites par l’entité pour évaluer si la stipulation donne lieu à un passif. Si l’entité a, par exemple, fait une annonce publique que les fonds obtenus seraient utilisés pour la construction d’un parc éolien, cette annonce, en combinaison avec la stipulation large, pourrait donner lieu à un passif.
3. Procédures liées à l'exhaustivité
L’exhaustivité des paiements de transfert constitue un enjeu d’audit particulier puisqu’ils doivent parfois être comptabilisés plusieurs années avant leur encaissement.
Dans ce contexte, analyser les encaissements des quelques mois subséquents à la fin d’exercice n’est généralement pas suffisant. Le praticien devrait donc prendre le temps de réfléchir aux procédures à mettre en place dans le contexte de son client pour valider l’exhaustivité.
- Révision de l’analyse faite par l’entité relativement aux demandes de subventions non comptabilisées présentes dans les procès-verbaux
- Analyse du budget de l’année subséquente et des sources de financement du Programme triennal d’immobilisations
- Analyse des dépenses en immobilisations de l’exercice en vue de déterminer comment l’entité prévoit les financer (identifier celles qui sont financées à l’aide de subventions ou encore à l’aide de dettes qui seront remboursées par des subventions)
Conclusion
L’audit des paiements de transfert requiert des procédures d’audit adaptées, l’exercice du jugement professionnel et une documentation particulière des trois concepts clés du chapitre SP 3410.
Si vous rencontrez des situations qui vous amènent un questionnement quant au moment de la comptabilisation des revenus ou des charges qui y sont rattachées, n’hésitez pas à utiliser le service des références techniques pour vos questions en comptabilité financière et certification qui est offert gratuitement par l’Ordre.
liens utiles
- Bulletin express du CCSP à l’œuvre – La norme sur les paiements de transfert demeurera telle quelle
- Bilan de l’inspection professionnelle 2021-2022
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